Paris, le 21 octobre 2025 – La Commission des Finances de l’Assemblée nationale a terminé lundi soir sa première journée d’examen du projet de loi de finances pour 2026. Une séance marquée par de vifs échanges autour de la fiscalité, et notamment par le rejet de la taxe Zucman, défendue par les groupes de gauche.
Les discussions se poursuivront jusqu’à mercredi soir, avant le débat en séance publique prévu dès vendredi, en présence du Premier ministre Sébastien Lecornu. Comme le veut la procédure budgétaire, les députés repartiront alors du texte initial du gouvernement, même si les travaux en commission permettent de clarifier les positions des différents groupes politiques.
La taxe Zucman, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, visait à instaurer un impôt minimum de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, incluant le patrimoine professionnel. Portée par les quatre groupes de gauche, elle a été rejetée par une majorité composée du camp présidentiel, de la droite et du Rassemblement national.
Pour Mathilde Feld (La France insoumise), cette taxe devait "rétablir un minimum de justice fiscale et éviter une société à deux vitesses".
Mais pour Philippe Juvin (Les Républicains), rapporteur général du budget, le dispositif constituait "un signal dissuasif pour les entrepreneurs souhaitant investir en France".
Le député Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) a, lui, mis en garde contre un risque de "désindustrialisation massive".
Réagissant sur le réseau X, Gabriel Zucman a dénoncé une décision qui revient selon lui à "défendre le droit des milliardaires à ne rien payer".
Les députés n’ont pas hésité à modifier plusieurs dispositions proposées par le gouvernement.
Un amendement du député Daniel Labaronne (Renaissance) a notamment exclu les entreprises de taille intermédiaire de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, reconduite partiellement en 2026.
La Commission a également supprimé la taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales, qui visait les structures détenant au moins cinq millions d’euros d’actifs. Les députés ont préféré envisager une taxation au moment des successions, même si le vote final en séance publique pourrait inverser cette orientation.
Les groupes de gauche ont déploré le rejet systématique de leurs propositions.
"Taxe Zucman, impôt sur les grandes transmissions, retour de l’ISF : tout est refusé", a résumé François Ruffin (groupe écologiste).
Ils ont néanmoins obtenu l’adoption de quelques amendements, dont le rétablissement de l’exit tax, censée limiter les départs fiscaux d’entrepreneurs vers l’étranger.
Dans un rare consensus, une coalition allant de la gauche au Rassemblement national, en passant par les Républicains, a aussi supprimé certaines mesures jugées impopulaires, notamment la fiscalisation des indemnités journalières pour affection longue durée et la suppression d’une réduction d’impôt pour frais de scolarité.
La contribution différentielle des hauts revenus, qui fixe un taux d’imposition minimum de 20 % pour les ménages gagnant plus de 250 000 euros par an, a été prolongée et renforcée.
Elle restera en vigueur tant que le déficit public n’aura pas été ramené sous la barre des 3 % du PIB.
Concernant le barème de l’impôt sur le revenu, un compromis porté par le groupe Liot a été adopté : seule la première tranche sera indexée sur l’inflation, estimée à 1 %, limitant ainsi le coût pour les finances publiques.
Le gouvernement vise un déficit public ramené à 4,7 % du PIB en 2026, contre 5,4 % attendus cette année.
L’effort total, estimé à 31 milliards d’euros, doit se répartir entre 14 milliards de nouveaux prélèvements et 17 milliards d’économies.
L’exécutif pourrait toutefois assouplir sa cible à un niveau "inférieur à 5 %", afin de faciliter les compromis politiques nécessaires à l’adoption du texte.
Les députés doivent encore examiner le budget de la Sécurité sociale, dont les débats débuteront jeudi après l’audition des ministres concernés.
Le calendrier reste serré : la Constitution impose une adoption du budget de l’État en 70 jours, et de celui de la Sécurité sociale en 50 jours. En cas de blocage, le gouvernement pourrait recourir aux ordonnances.
Rédaction Antenne 87 — avec AFP